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Marcel Mauss est décédé. Le lecteur trouvera dans l'introduction de
M. Claude Lévi-Strauss une image impressionnante de la richesse iné-
puisable de l'héritage intellectuel légué par ce grand savant, ainsi qu'une
interprétation très personnelle de son Suvre. Georges Gurvitch. Paris,
le 12 avril 1950. »
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Donner le temps
La même inquiétude ne s'apaisera jamais, celle du don
comme celle du pardon. Ne doivent-ils pas mais au-delà
du devoir et de la dette ¹ se priver de toute assurance contre
la contrefaçon, de toute méfiance à l'égard de la fausse mon-
naie, pour garder la chance d'être ce qu'ils devraient être, mais
devraient l'être au-delà du devoir et de la dette? Un don qui
prétendrait contrôler la monnaie et se garder de tout simulacre,
sera-ce encore un don ou déjà un calcul s'agrippant ou rap-
pelant naïvement, parfois avec autorité à la distinction
rassurante entre le naturel et l'artificiel, l'authentique et l'inau-
thentique, l'originaire et le dérivé ou l'emprunté?
1. Autre forme de la même aporie, ce devoir sans devoir prescrit que
le don non seulement ne doive rien, reste étranger au cercle de la dette,
mais ne doive pas répondre à sa propre essence, ne doive même pas être
ce qu'il a à être, à savoir un don. Sur l'immense question (étymologique,
sémantique, philosophique, etc.) de ce qui lie ou ne lie pas le devoir
à la dette, nous ne renverrons pas seulement aux textes connus de Kant,
de Nietzsche, de Heidegger, etc., mais plus près de nous, aux analyses
de E. Benveniste (Le vocabulaire des institutions européennes, Minuit,
1969, t. 1, ch. 16 («Prêt, emprunt et dette») et ch. 17 («Gratuité et
reconnaissance »), p. 181 sq.). Cf. aussi l'admirable Présentation de Charles
Malamoud aux riches contributions, dont la sienne (« Dette et devoir
dans le vocabulaire sanscrit et dans la pensée brahmanique »), rassemblées
dans Lien de vie, nSud mortel, Les représentations de la dette en Chine, au
Japon et dans le monde indien (EHESS, Paris, 1988). La question de la
« monnaie fausse d'un vrai sacrifice » y est évoquée à propos de « Les
Monnaies de la Trésorerie et la notion de Destin fondamental », par Hou
Chin-lang (p. 14). Cf. aussi Ch. Malamoud, « La théologie de la dette
dans le brâhmanisme », in Purusârtba 4 : La Dette (EHESS, Paris, 1980).
Ces questions sont aussi abordées, qu'on me permette d'y renvoyer,
dans La carte postale, notamment au début de « Spéculer sur " Freud " »,
où sont reliés les motifs de la dette, du devoir et de la fausse monnaie
(p. 278 sq.). Sur l'indissociable question du fétiche, chez Marx ou Freud,
sur son lien au « reste de temps » à donner, cf. Glas, o.c. p. 231 sq.
Chapitre 3
« La fausse monnaie » (I)
Poétique du tabac
(Baudelaire, peintre de la vie moderne)
Exergue
« ... il faut bien être sur ses gardes pour recon-
naître la fausse monnaie que donne un ami *... »
* Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes (Ce que c'est que les
filles, in Première Partie : « Comment aiment les filles »). Il faut
rappeler au moins le contexte immédiat de cette mise en garde qui
nous parle aussi du « critique littéraire d'aujourd'hui » :
Les femmes qui ont mené la vie alors si violemment répudiée
par Esther arrivent à une indifférence absolue sur les formes
extérieures de l'homme. Elles ressemblent au critique littéraire
d'aujourd'hui, qui, sous quelques rapports, peut leur être comparé,
et qui arrive à une profonde insouciance des formules d'art : il
a tant lu d'ouvrages, il en voit tant passer, il s'est tant accoutumé
aux pages écrites, il a subi tant de dénouements, il a vu tant de
drames, il a tant fait d'articles sans dire ce qu'il pensait, en
trahissant si souvent la cause de l'art en faveur de ses amitiés
et de ses inimitiés, qu'il arrive au dégoût de toute chose et
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continue néanmoins à juger. Il faut un miracle pour que cet
écrivain produise une Suvre, de même que l'amour pur et noble
exige un autre miracle pour éclore dans le cSur d'une courtisane.
Le ton et les manières de ce prêtre, qui semblait échappé d'une
toile de Zurbaran, parurent si hostiles à cette pauvre fille, à qui
la forme importait peu, qu'elle se crut moins l'objet d'une
sollicitude que le sujet nécessaire d'un plan. Sans pouvoir dis-
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